dimanche 19 décembre 2010

Les facteurs de risque (partie 1)

Les facteurs de risque

Grâce à mon expérience sur le terrain depuis maintenant plus de dix ans, je peux témoigner que les mécanismes de défense qu’un individu développe pour faire face à des difficultés qui mènent à l’échec scolaire sont nombreux et mènent inévitablement au décrochage scolaire. L’agression, la régression, l’accusation, l’hypocondrie, les troubles de comportements liés à l’évitement de l’échec, l’anxiété, sont tous des mécanismes de défense associés aux difficultés d’apprentissage et à l’échec scolaire répétitifs (Cahen, 1996). Lorsqu’une école arrive à augmenter le niveau de réussite des élèves, il est plausible de remarquer une diminution des incidents violents et des suspensions.

Nous constatons que l’école a une responsabilité encore plus grande en ce qui concerne les jeunes délinquants et les jeunes aux prises avec des problèmes liés aux gangs de rues. Pour s’attaquer efficacement aux causes profondes du problème et que le système scolaire respecte ses responsabilités premières c’est-à-dire l’éducation et la prévention, il faut adopter une approche holistique qui passe avant tout par l’élaboration de modules de formation destinés au personnel enseignant et à l’ensemble des intervenants qui oeuvrent dans le milieu scolaire.

Les principaux facteurs qui affectent l’efficacité de l’école

Je consulte depuis des années le travail de Bernard Terrisse et de Marie-Louise Lefebvre de l’Université de Montréal (2004) qui est un essai de catégorisation et de classification absolument fascinant et qui est jusqu’à présent l’outil le plus complet que j’ai trouvé sur le sujet. À partir de cet ouvrage, je me suis dirigé vers d’autres lectures qui sont suggérées dans ce document.

Facteurs externes

Il y a deux catégories de facteurs affectant l’efficacité de l’école. Premièrement, il y a les facteurs externes à l’école, c’est-à-dire des facteurs qui ne sont pas générés par l’école elle-même mais qui ont des impacts positifs ou négatifs sur cette dernière. Parmi ces facteurs nous retrouvons le milieu sociodémographique, l’environnement sociodémographique, les politiques, les lois et les orientations de l’État et des organismes gestionnaires du système scolaire, soit les commissions et les conseils scolaires.

Facteurs internes

En deuxième lieu, nous retrouvons les facteurs internes à l’école, c’est-à-dire, les facteurs qui sont générés par l’école elle-même. Dans cette catégorie, nous retrouvons les facteurs physiques, les facteurs structurels et organisationnels, les facteurs humains (enseignants, intervenants, directions d’école et personnel de soutien) et finalement les facteurs liés à l’implication parentale.

Interaction : facteurs de risque ou de protection ?

Selon le fait que ces facteurs ont des impacts positifs ou négatifs sur le développement et sur la réussite des élèves, ces facteurs deviennent des facteurs de risque ou de protection. Ces mêmes facteurs peuvent également interagir en même temps. D’autres recherches comme celle de Sanders et Rivers (1998) par exemple, insistent sur le fait que des facteurs de protections internes à l’école peuvent contrer ou limiter les effets des facteurs de risque externes.

Chacun de ces facteurs peut contribuer à constituer des facteurs de risque ou des facteurs de protection à partir de leurs interactions et avoir donc des effets négatifs et des effets positifs sur les performances et l’efficacité de l’école. Tout comme les individus, ces facteurs peuvent se modifier dans le temps si les facteurs internes ou externes évoluent positivement ou négativement. Les facteurs internes peuvent être également influencés par les facteurs externes. D’un point de vue systémique, ce sont les interactions entre ces variables qui peuvent créer des facteurs de protection permettant à l’école d’être résiliente, où, à l’inverse des facteurs de risque conduisant la même école à l’échec et l’inefficacité. Une école résiliente c’est une école qui même si elle est confrontée à des conditions difficiles, réussit à maintenir des taux de réussite satisfaisants.

À prime abord les milieux socioéconomiques mieux nantis peuvent sembler moins vulnérables aux facteurs de risque que les milieux socioéconomiques moins favorisés mais il n’en demeure pas moins que plusieurs enfants en apparence favorisés peuvent également avoir des parcours scolaires chaotiques.

Facteurs de risque

Famille

Alcoolisme ou toxicomanie d’une des parents ou des deux

Angoisse de l’enfant associée à un contexte familial perturbé par un climat conflictuel

Le divorce et séparation des parents

Le décès d’un proche

La dépression d’un des parents

Période de chômage d’un des parents

Carences affectives et indisponibilité des parents

Pression excessive et sentiment de ne jamais être à la hauteur des ambitions parentales

Transmission d’un sentiment de doute ou de manque de confiance en soi.

Criminalité juvénile

La pression exercée par les pairs devient un facteur important durant l'adolescence. L’adolescent se concentre sur sa recherche d'identité et s'emploie à s'adapter au groupe. Certains pour être accepté ont des attitudes antisociales et se présentent même comme des durs qui défient l'autorité. C’est un peu ce qui se passe avec le phénomène des gangs. Là où la situation devient plus dangereuse c’est lorsque le gang devient un substitut de sécurité pour les jeunes adolescents intimidés et déjà blessés par la vie. Cette nouvelle famille correspond à un besoin d’appartenir à un groupe et à un besoin de protection mais elle contribue également à faire augmenter et à accentuer les comportements déviants.

Les policiers savent très bien contrairement aux enseignants que les bandes utilisent souvent des préadolescents comme guetteurs (look out) et passeurs de drogue (runners) dans le cadre de leurs activités illicites, étant donné que les jeunes enfants de moins de 12 ans au Canada sont à l'abri des poursuites criminelles (Gaustad, 1991; Prothrow-Stith, 1991). Certains de ces enfants deviendront des usagers-trafiquants et entreront dans la bande pour laquelle ils travaillent. Il est important de se pencher rapidement sur cette question et espérer permettre à l’école de prendre la place qui lui revient et de devenir un tuteur de résilience pour les enfants blessés. Je souhaite éventuellement explorer ce domaine un peu plus afin de proposer quelques pistes de solutions et m’attarder moins aux agresseurs mais plutôt aux victimes qui sont les oubliés de toute cette histoire.

Comme nous l’avons déjà mentionné précédemment, à plus long terme, il semble que les enfants victimes qui deviennent agresseurs peuvent même transmettre à leurs enfants le rôle de victime et ont plus de difficultés à entretenir des relations à long terme avec le sexe opposé (Farrington, 1993). Ceci aura pour effet de faire en sorte que le cercle vicieux de la violence ne cesse de tourner et de se transmettre de génération en génération. À moins de continuer à chercher à comprendre davantage les liens de causalités entre ces différents facteurs.

Selon Fortin et Strayer (2000), l'identification des facteurs de risque et de protection semble la première étape pour bien saisir la complexité de l'adaptation sociale.

Chaque école peut générer ou du moins est affectée par des facteurs de risque qui peuvent avoir des effets néfastes sur l’apprentissage et sur le développement des élèves. Les facteurs de risque sont définis (Garmezy ,1985) comme des facteurs qui par leur présence peuvent accroître la possibilité qu’un enfant ait des difficultés d’adaptation et d’apprentissage si on le compare à un enfant de la population générale qui n’est soumis à ces mêmes facteurs. À l’opposé, les facteurs de protection (Garmezy 1985), sont des caractéristiques des individus et de l’environnement susceptibles de contrer ou de limiter les effets des facteurs de risque. Dans le cadre d’un milieu scolaire, les facteurs de risque et les facteurs de protection peuvent être reliés soit à un élève, soit à l’école, ou encore aux interactions entre les deux. Chaque école peut générer des facteurs de risque mais aussi des facteurs de protection, ce sont plutôt les interactions entre ces deux facteurs qui peuvent conduire un élève à une situation d’échec ou au contraire à être résilient. Ce qui complique les choses c’est que la plupart des facteurs de risque sont fortement corrélés, ce qui empêche parfois de connaître l’impact et le rôle spécifique de chacun. Même si certaines combinaisons de facteurs semblent plus problématiques que d’autres, il est fort possible qu'en combinaison, ils n'affectent pas tous les jeunes de la même manière. En ce qui a trait aux gangs de rues, les interventions qui obtiennent les meilleurs effets ont lieu auprès des enfants qui fréquentent l’école élémentaire. Si nous acceptons l’idée que l’entrée dans un gang de rue est un processus graduel. En termes de choix de société, le dépistage des enfants à risque et la prévention devraient être des objectifs importants partagés par le milieu scolaire et les différentes communautés et ceci dans le but de prévenir le développement de problèmes plus sévères à l'adolescence. Nous croyons que pour être efficaces auprès de jeunes qui présentent des problèmes d’adaptation et qui pourraient être mêlé à des gangs de rues, les interventions doivent avoir une base communautaire susceptible de favoriser le changement du jeune ciblé et tout ce qui l’entoure soit sa famille, ses groupes de pairs, son école et son quartier.


à suivre

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